L’HYDRATATION, UNE PRIORITE

Les notions de physiologie se sont développées dans les milieux sportifs au cours des années 1970 et 1980, corrigeant les fautes nutritionnelles enracinées dans des croyances d’une autre époque. On sait aujourd’hui que l’eau est nécessaire et indispensable.

Il n’y a que peu d’années – mais c’était une autre époque, pour vaincre la soif, les cyclistes suçaient des noyaux de cerise ou de pruneau – que Rudi Altig en 1962 était disqualifié d’un championnat du monde pour avoir obtenu de l’eau d’un spectateur ou que De Vlaemink était sanctionné au cours du Paris-Roubaix 1977 pour avoir bu en dehors de la zone autorisée !

Pourquoi faut-il boire ?

L’eau représente le principal constituant de notre organisme soit 60 à 70 % de notre masse corporelle : un sujet de 70 kg est constitué de 42 kg d’eau. Chez l’adulte les apports nutritionnels conseillés (ANC) sont de 25 à 35 ml/kg/jour et de 1 litre par 1 000 Cal ingérées, et les pertes normales de 2 500 ml par jour (voir plus loin).

La distribution de l’eau dans l’organisme

Cette eau n’est pas figée, elle se renouvelle en permanence, justifiant des apports hydriques réguliers.

  • L’eau est présente dans les cellules (secteur intracellulaire). Représentant 50 % du poids de l’organisme, c’est le secteur le plus important, où se trouvent en solution les protéines, les éléments chimiques : phosphore (ATP, support de l’énergie) et potassium.
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  • Le secteur extracellulaire représente environ 20 % du poids de l’organisme. Il se décompose en secteur intravasculaire : c’est le sang (5 %) et en secteur interstitiel (15 %). Ce dernier, constitué à 90 % d’eau, correspond à l’espace compris entre les vaisseaux sanguins et les cellules : c’est un lieu d’échanges des nutriments et des déchets.

L’eau est indispensable au niveau le plus infime de notre organisme. Les mouvements de l’eau conditionnent l’équilibre électrolytique (sodium, potassium) entre ces trois secteurs : son rôle est indispensable dans l’apport de l’énergie, le transfert et l’élimination des toxines ou des déchets (urée) produits par le fonctionnement de l’organisme.
Si vous transpirez, cet équilibre est rompu : les liquides entourant les cellules musculaires diminuent, les muscles n’auront plus le rendement attendu tant que cette masse liquidienne ne sera pas reconstituée. Au cours d’un effort, c’est le secteur intracellulaire, surtout les cellules musculaires, qui souffre le plus de la déshydratation : les fonctions physiologiques nécessitant un volume sanguin constant.
Cependant l’organisme compense une partie de ces pertes par :

  • La glycogénolyse (le glycogène constitue la forme de réserve des glucides dans l’organisme. Au moment de l’effort, le glycogène est libéré dans le sang pour être délivré aux muscles, sous forme de glucose) délivre au cours d’un effort soutenu entre 500 et 700 ml d’eau. En effet, le stockage d’un gramme de glycogène dans l’organisme nécessite trois grammes d’eau qui sont libérés au fur et à mesure de l’utilisation du glycogène.
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  • L’utilisation des nutriments (glucides et lipides) pendant l’effort délivre environ 150 ml/h.

Cette production d’eau par l’organisme, est insuffisante pour pallier les pertes, surtout en cas de chaleur ou d’effort prolongé. Pertes entraînant une diminution de l’efficacité de l’effort et l’apparition de la défaillance. Le pire adversaire du sportif est bien la déshydratation !

La soif, mauvais indicateur

La déshydratation entraîne une diminution des performances et de l’endurance.

  • La transpiration a pour rôle d’abaisser la température du corps au cours de l’activité physique. Outre les 20 % d’énergie que dépense l’organisme pour maintenir ses fonctions vitales, les dépenses d’énergie liées à l’activité physique se répartissent de la façon suivante :
    – 25 à 30 % sous forme d’énergie mécanique ;
    – 60 à 75 % sous forme de chaleur.
    L’organisme est incapable de stocké cette quantité de chaleur. Celle-ci est évacuée par la production de sueur qui permet la baisse de la température de l’organisme et l’élimination des toxines.
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  • La baisse de rendement est proportionnelle à la perte hydrique : une perte de 2 % entraîne une diminution du rendement de 20 % ! Ceci correspond pour un cycliste de 70 kg à une perte de 1 litre à 1,5 litre de masse liquidienne. Cette diminution de rendement est considérablement aggravée par l’élévation de la chaleur ambiante : une perte liquidienne de 4 % à 18 °C entraîne une diminution de la capacité à l’effort de 40 %, celle-ci passe à 60 % à 41 °C. À partir d’une perte de poids de 4 % des troubles apparaissent : baisse de la pression artérielle et du débit cardiaque, augmentation de la fréquence du rythme cardiaque, hausse de la température de l’organisme en raison de la diminution du débit sanguin cutané. Le moteur chauffe !
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  • Une compensation insuffisante de perte hydrique peut entraîner une fatigue importante, un coup de chaleur, des accidents musculaires et tendineux, des calculs urinaires, une insuffisance rénale. La sensation de soif est un très mauvais indicateur de l’état de déshydratation : elle apparaît alors que la déshydratation atteint 1 % du poids corporel.
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  • Une perte de 10 % de la masse corporelle peut provoquer une perte de connaissance, éventuellement la mort.
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  • Le sportif doit compenser les pertes hydriques : donc boire avant, pendant, après l’activité sportive et dans la phase cruciale de récupération.

Les apports

Ceux-ci doivent correspondre aux pertes. La ration hydrique est proportionnelle à l’apport calorique : une calorie nécessite l’apport d’un millilitre d’eau, une ration quotidienne de 2 500 calories nécessite 2,5 litres d’eau et bien davantage chez un sportif en activité. Deux sources existent :

  • la boisson (1 200 ml) et les aliments (1 000 ml ; exemple : une pomme apporte 84 % d’eau) ;
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  • l’eau endogène (300 ml) synthétisée par l’organisme au cours de réactions d’oxydation et métaboliques, liées à la digestion et au fonctionnement de l’organisme.

Les pertes

Les pertes normales sont d’environ 2 500 ml par jour :

  • la diurèse (urines) qui est adaptable, entre 1 000 et 1 500 ml ;
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  • la perspiration : 400 ml ;
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  • la respiration, environ 500 ml ;
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  • les pertes digestives (selles) d’environ 100 à 200 ml.

Peuvent s’y ajouter des pertes :

  • pathologiques, le plus souvent d’origine digestive (diarrhée), fièvre ;
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  • liées à l’activité ou à la météorologie :
    – cutanée : la sueur éliminant la chaleur
    produite au cours de l’activité en s’évaporant ;
    – respiratoire ;
    – thermique et humidité ambiante.

Ces pertes se constatent après l’effort par :

  • la perte de poids : se peser avant, après la randonnée,
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  • la couleur foncée des urines (bilirubine),
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  • une hypotension artérielle, la persistance d’une tachycardie,
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  • une sécheresse de la peau : traits tirés, cernes, maintien du pli cutané.

Les besoins en eau : les différents éléments

  • L’intensité de l’activité physique, l’ensoleillement, l’humidité, la chaleur ambiante, le sens du vent jouent un rôle dans la régulation de la température corporelle donc des besoins hydriques. Si le vent est contraire, l’air humide et chaud, la randonnée dépasse 2 heures, les besoins hydriques augmentent, les mécanismes de régulation de la température corporelle se mettent au diapason. En l’absence de ces mécanismes, la température de l’organisme augmenterait de 1 °C toutes les 2 à 3 minutes. Impensable ! La production de 50 Cal (1 Cal = 1 000 cal) élève la température du corps de 1 °C.
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  • Les mécanismes de régulation maintiennent une température interne du corps aux environs de 39 °C/40 °C en produisant une grande quantité de sueur. Un sujet entraîné produit davantage de sueur qu’un rouleur débutant ou irrégulier. Environ 600 Cal sont évacuées pour chaque litre de transpiration excrétée, l’évaporation refroidit la peau donc le sang qui l’irrigue. D’où l’utilité de porter des vêtements adaptés, de couleur claire, de s’asperger la nuque par canicule.
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  • Les besoins en eau sont considérablement augmentés en fonction, de l’intensité et de la durée de l’effort, des conditions climatiques : plus il fait chaud plus il faut boire afin de maintenir constante la température interne de l’organisme.
    Ne faites pas comme Philippidès, le célèbre coureur de la bataille de Marathon, mort d’épuisement et sans doute déshydraté. Buvez régulièrement au cours de vos randonnées, par petites gorgées, 10 à 15 cl toutes les 15 à 20 minutes, une boisson à 15 °C environ pour faciliter la vidange gastrique ou à température ambiante. Cet apport devrait compenser toute l’eau perdue. Mais souvenez-vous, malheureusement la soif est un très mauvais indicateur de l’état de déshydratation. Nous ne compensons qu’une partie des pertes hydriques. Il faut boire avant d’avoir soif.

Par Jean-Luc Langeron, Médecin de la ligue Pays de la Loire, Membre de la commission Sport-santé
Article publié dans la revue Cyclotourisme n° 626 de juillet-août 2013